Regards croisés avec Anne Gauthier

Octobre rose 

Un cancer du sein peut déclencher l’apparition d’un lymphœdème

Ingénieure en aéronautique à la retraite, Anne vit non loin de Toulouse dans une petite province gasconne nommée l’Isle-Jourdain. Alors qu’elle est suivie annuellement pour le dépistage du cancer du sein, on lui découvre trois grosseurs. Le traitement lourd commence. Six mois plus tard un lymphœdème apparait sur son bras droit. Rencontre avec une femme qui, après avoir traversé ces épreuves, a retrouvé une belle joie de vivre.

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A quarante ans, ma petite sœur a eu un cancer du sein. Pour tout dire, plusieurs femmes de ma famille en ont eu un. Mais les tests génétiques n’ont rien donné. Malgré tout, depuis, c’est systématique, tous les ans je fais une mammographie et une échographie. Au bout de dix ans, pile au moment où je pensais arrêter ce suivi, on m’a détecté trois grosseurs cancéreuses. Tout s’est accéléré. Je suis rentrée dans le dur entre séances de chimiothérapie (30) et séances de radiothérapie (35) étalées sur une année. Au bout de six mois, je pensais avoir fait le plus gros du parcours en réunissant mes dernières forces pour lutter contre le cancer. Le corps médical m’avait expliqué les effets secondaires des traitements et je les avais plus ou moins intégrés. Mais le lymphœdème, on ne m’en avait pas parlé. Et c’est à ce moment-là qu’il est apparu.

Ils m’ont fait un curage ganglionnaire du bras droit et j’ai déclenché le lymphœdème sur ce bras. Pour moi ça été un vrai coup dur. Parce que je me pensais au bout du parcours. En plus de quoi j’ai mis du temps à réaliser que cette maladie ne serait pas temporaire. Qu’elle ferait désormais partie de ma vie et qu’il y aurait des conséquences à gérer à vie. Honnêtement, c’est beaucoup à intégrer psychologiquement au moment où on n’est pas prêt à intégrer ça en plus. Après avoir eu un cancer du sein, on n’a plus d’énergie et moralement on est amochée. Alors, un lymphœdème en plus… C’est une double peine.

« Au début, la gestion du lymphœdème m’a paru très compliquée »

Très vite il a fallu mettre un manchon avec une mitaine attenante, ce qui a m’a contraint parce que je suis droitière. Très vite, mon bras droit étant plus lourd que le gauche, les douleurs au niveau des épaules sont apparues. La gestion du lymphœdème m’a paru très compliquée. Ce parcours est long et chronique. Et on ne peut pas aborder cette pathologie comme on fait un régime car dans six mois, la maladie, elle, sera toujours là. Et dans dix ans aussi. On ne peut pas se dire allez pendant six mois, je donne mon max et puis on n’en parle plus ! Ce n’est pas du tout ça. Il faut arriver à mettre en place des contraintes qui restent gérables sur le long terme. Personnellement, j’ai mis presque deux ans pour trouver ce qui me convient.

Une chose est sure : on ne peut pas échapper à la compression. Mais il y a moyen d’aménager la compression selon ses envies : ce soir, je sors sans et cette nuit je dors avec ! Il est important d’apprendre à s’écouter pour ne pas subir tout ce qu’on nous demande de faire au début - qui est sans doute ce qu’il faut faire d’ailleurs. On doit se donner la possibilité de faire des essais. Aujourd’hui par exemple, alors que j’ai démarré avec un manchon et une mitaine attenante, je ne mets plus que le manchon. Je suis ravie d’avoir la main droite ‘libre’. C’est énorme. Apprendre à se connaitre, apprendre à se gérer prend du temps, c’est long mais vital. Parce que de toute façon, comme je l’ai déjà dit, on n’échappera pas à la compression. J’ai mis un moment à l’intégrer : qu’est-ce qui est supportable pour moi ou qui ne l’est pas ? Il faut s’écouter mais aussi écouter les médecins. Au début, on passe par une phase de refus, suivie par une phase où on suit à la lettre les recommandations médicales, pour finalement essayer de trouver un juste milieu entre les deux.

"J’ai retrouvé un second souffle"

Je participe depuis plusieurs mois au Parcours Lymphorac 51*, qui arrive à son terme en région Occitanie. Le Parcours Lymphorac 51 c’est une équipe, un médecin, une infirmière, un kiné, qui est venue vers moi et qui m’a dit : « On va essayer de vous aider et de voir ce qu’on peut faire pour vous ». Et c’est ce qu’ils ont fait ! Cela a été comme un grand souffle libérateur. J’avais en face de moi des professionnels de santé qui comprenaient mes envies, qui ont entendu les contraintes que j’étais prête à accepter sur le long terme. On voit le médecin tous les six mois et il y a une prise en charge totale des soins - je suis persuadée qu’une personne qui n’a pas les moyens de s’acheter des manchons, bandages, crèmes, traitements… soigne mal son lymphœdème. Cette étude nous permet de participer à l'éducation thérapeuthique du patient et de rencontrer d’autres personnes, d’échanger sur nos besoins, nos envies ou nos peines. Par exemple c’est grâce à Lymphorac 51 que je ne porte plus de mitaine. En faisant des essais, en discutant, on a fini par alléger mon traitement. J’ai été prise en charge et conseillée tout en étant dédouanée de tout problèmes financiers. Je conclurai par une note positive : je vis très bien maintenant ! Je suis contente de pouvoir le dire. J’enfile un manchon comme j’enfile un soutien-gorge, sourit Anne. C’est même devenu un détail. Je ne me rends plus compte que je le porte ce manchon ! 

Octobre rose
* Parcours Lymphorac 51

Cette étude est menée par la Région Occitanie pour la prise en charge des patients atteints d’un lymphœdème afin que la prise en charge soit plus adaptée et qu‘elle soit moins couteuse pour les patients. Pour rappel, ce projet expérimental est porté par le Centre hospitalier universitaire de Toulouse (Dr Julie Malloizel-Delaunay) et le Centre hospitalier universitaire de Montpellier (Pr Isabelle Quéré) et a été mis en œuvre dans la région Occitanie pour une durée de 24 mois.