Cancer du sein & lymphoedème : la double peine

    Octobre rose
    Danièle Samaille

    Cancer du sein & lymphoedème : la double peine

    67 ans, retraitée depuis quatre ans, cette ancienne pharmacienne biologiste médicale regarde les choses en face et agit au quotidien pour contenir le lymphoedème qui est apparu après avoir eu un cancer du sein. Rencontre avec Danièle Samaille

    Mon cancer a été diagnostiqué en octobre 2015...

    Je n’avais pas « entendu » les symptômes. A posteriori, j’ai constaté que je n’avais pas été vigilante, parce que j’avais sur mon côté droit une boule sans danger liée à une grossesse (une glande mammaire surnuméraire). Au mois de juillet 2015, je me regarde dans le miroir et je me dis «Tiens, c’est bizarre, c’est devenu symétrique». Une boule était apparue à gauche. Je n’ai absolument pas percuté que cela pouvait être un signe de cancer du sein alors que je travaille dans le milieu médical, j’étais pharmacienne biologiste. 

    Je n’ai pas réalisé que j’avais des symptômes qui parlent ...

    Une fatigue extrême. Couchée tous les soirs à 21 heures. Et un mal fou à sortir du lit le matin. 
En octobre 2015, je fais ma mammographie de suivi, celle des deux ans. Et là, le radiologue me dit « Euh, je vois quelque chose, pas très gros mais il faudrait faire une biopsie. » Le diagnostic tombe. J’ai un cancer de sein. Un petit de 8 millimètres, évolutif. On l’appelle « d’intervalle » car il n’y avait rien lors de la dernière mammographie. J’ai commencé à me documenter. Mon choix se porte sur le Centre régional anticancéreux Oscar-Lambret. La référence en oncologie à Lille. Prise assez rapidement en consultation, je suis opérée en décembre 2015. Lorsque je me réveille, la chirurgienne m’annonce avoir enlevé la chaine ganglionnaire, le premier ganglion de la chaine après le sein, le « sentinelle », étant atteint, le suivant aussi. Par sécurité, ils en ont enlevé 21.

    Le lymphoedème s’est développé insidieusement

    Pendant les séances de chimio, j’ai remarqué que mon bras se faisait lourd le soir, même lorsque je le mettais en hauteur. J’en ai parlé à l’oncologue et elle m’a envoyée vers un kiné. J’ai eu la chance de rencontrer une super kiné, au top, qui se passionne pour le cancer du sein et le lymphoedème. On a beaucoup appris ensemble. C’est en 2017 que nous réalisons que le lymphœdème s’est installé. Son développement a été insidieux. Aujourd’hui, il touche le bras et la main gauches. Je suis le traitement très régulièrement, je vois la kiné une fois par semaine et en mettant mon manchon sur le bras tout le temps, j’arrive à bien le contenir. Au niveau de la main, je me suis fait faire une mitaine sur-mesure que je ne porte que lorsque ma main gonfle.

    Après un cancer du sein, plus tôt on surveille son bras, plus tôt il est pris en charge, mieux c’est !

    Des cures bénéfiques adaptées aux lymphœdèmes

    Lymphothermes - Luz Saint Sauveur

    J’ai beaucoup appris lors des cures. J’ai fait ma quatrième cure cette année, à Luz-St-Sauveur. Il existe aussi une cure spécifique à Argeles-Gazost. La partie cure est prise en charge par la sécurité sociale. Le centre de cure propose un programme spécifique « LymphoThermes », appelé « Lymphoedème » à Arleles-Gazost. C’est un programme d’éducation thérapeutique du patient : on y pratique du sport adapté (aquagym, pilates, qi gong, gym douce, marche nordique…), on apprend l’autodrainage, à faire les bandages multicouches, on échange beaucoup avec les kinés, l’infirmière, les autres patients. Cela coûte 170 euros, de sa poche, mais franchement on apprend à s’autogérer et, ça, c’est juste fondamental. L’endroit est idéal pour les personnes inquiètes : ici, on se réapproprie son corps et personne n’est dans le jugement.

    Pour l’anecdote : en 2017, je voulais partir en vacances avec ma kiné tellement j’avais peur de ne pas m’en sortir seule, se souvient Danièle. Désormais, grâce à l’éducation thérapeutique, je peux rester toute seule un mois ! Je sais faire de l’auto-drainage, je sais me gérer, je vois quand ma main gonfle, ce qu’il faut faire ; la nuit je porte un manchon Mobiderm sur le bras et une mitaine Mobiderm pour ma main. Et je vais prochainement animer un atelier d’éducation thérapeutique pour sensibiliser des femmes en cours de traitement d’un cancer du sein aux risques de développer un lymphoedème et à la prévention. Je vais leur apprendre à surveiller leur bras. A faire les bons gestes. Plus tôt il est surveillé, mieux c’est.

    Pourquoi moi ?

    On commence à s’en sortir du cancer, on commence à sentir les effets secondaires s’estomper et puis, paf, le lymphoedème arrive par-dessus. « Pourquoi moi ?! », la question tourne en boucle dans ma tête.

    Puis vient le moment où je leur en ai voulu, aux chirurgiens, car deux ganglions atteints, 21 enlevés, ça fait beaucoup quand même. Je me suis demandée pourquoi ils n’en avaient pas enlevé moins. Aujourd’hui, je réalise qu'en enlevant moins, la survie à long terme est moindre.

    J’ai trois enfants et je suis grand-mère d’un petit garçon de deux ans, ça fait sept ans, je suis toujours en vie, c’est peut-être le prix à payer, pour être en vie, avoir un lymphoedème…

    Les conseils de Danièle Samaille
    01

    Le sport

    Il faut bouger avec un lymphoedème ! Il ne faut pas faire n’importe quoi, mais il ne faut pas non plus se mettre trop de barrières. Je fais particulièrement attention aux blessures, aux coupures, parce qu’il y a un risque d’érysipèle si on ne fait pas attention. Mais je bouge. Gym. Rameur. Marche…
    02

    Ne pas rester seule

    Allez dans les associations de patients atteints de lymphoedème ! Il y en a de plus en plus dans les régions. Et en cure, on fait de belles rencontres aussi. Elles permettent d’échanger des trucs et astuces. De s’exprimer sans être jugé. De laisser passer la colère, le déni, la tristesse et de ne pas être dans la culpabilité. Puis vient l’acceptation. Comme pour faire un deuil. On sait que c’est une maladie chronique, qu’on l’aura à vie mais on sait aussi ce qu’il faut faire pour éviter l’érysipèle, éviter que la maladie n’évolue.
    03

    Le manchon rectiligne

    Le véritable manchon efficace pour le bras est rectiligne, avec une couture et sur-mesure. Les mesures doivent être prises par un professionnel formé : il vaut mieux faire appel à un orthésiste. Le manchon circulaire est plus adapté aux problèmes veineux mais n’est pas efficace sur le lymphoedème : il comprime trop au niveau des plis, provoque un gonflement de la main mais ne maintient pas réellement le lymphoedème.
    Danièle Samaille défilé Favamulti Cancer 2018
    Danièle Samaille défilé Favamulti Cancer 2018

    Entretien réalisé par Laurence Delaporte - Octobre 2022

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