Il y a dix ans, ils participaient au camp des enfants organisé par le Centre de référence constitutif des maladies vasculaires rares de Montpellier et l’Association Mieux Vivre le Lymphœdème. Anna comme Léo, Marin, Guillaume, Théo et Ludivine partagent leurs souvenirs. Retour d’expériences.
Anna a 18 ans. Son lymphœdème s’est déclaré sur la jambe gauche après s’être fait une entorse à la cheville, elle avait 5 ans et demi. En septembre, la jeune fille entamera une licence en Langues, littératures et civilisations étrangères (LLCE Anglais). Son petit frère s’appelle Brieu, il a 16 ans. Ses parents sont Olivier et Frédérique. Rencontre.
C’était un jeudi. Cela m’a marqué. Je me suis fait une entorse à la cheville gauche. Cela a déclenché mon lymphœdème. Depuis, je dis toujours avec autodérision que les jeudis sont des jours maudits. Je suis revenue sur Angers et je ferai mes études là, près de chez moi, entourée. Aujourd’hui, c’est important pour moi de l’être, se confie la jeune fille qui sort d’une dépression.
Il y a dix ans, j’avais 8 ans. C’était mon premier camp. Je me souviens qu’on m’avait surnommée la schtroumpfette parce que je portais une robe bleue et que j’étais parmi les plus petites. Le groupe de jeunes était très sympathique et j’avais une copine, c’était Ludivine. Je garde un bon souvenir du tournage du film tourné alors autour du lymphœdème. C’était impressionnant. Excitant. C’est mon père qui m’avait accompagnée à ce séjour et le souvenir le plus fort que j’en garde c’est que j’étais chouchoutée par l’équipe soignante, sûrement parce que j’étais la plus jeune du groupe. Je me prenais un petit peu pour une star, raconte Anna un éclat de rire dans la voix. Il y a des photos où mon père me faisait un bandage et moi j’étais à moitié allongée et je me laissais faire…
"Mon lymphœdème ne me rend pas différente en quoique ce soit, je suis toujours une personne"
Lorsque j’étais plus jeune, j’avais des activités. Je faisais du hip-hop et de la danse contemporaine. Le hip-hop me demandait beaucoup d’efforts, certaines figures étaient compliquées à réaliser avec mon lymphœdème. Le regard des autres sur moi ne m’a jamais posé de problème. En fait, je n’y ai jamais fait attention. Je porte souvent des jupes ou des shorts dans la rue et ça m’étonne toujours que les gens regardent ma jambe parce que, pour moi, c’est juste normal. C’est un peu comme ces filles qui viennent en sport avec une entorse. Ma jambe ne me rend pas différente en quoique ce soit, je suis toujours une personne et je ne considère pas mon lymphœdème comme un défaut. Je suis ainsi depuis toute petite, le regard que je porte sur moi n’a pas changé au fil du temps. Cela n’a pas changé mon estime de moi. Je pense aux personnes chez qui le lymphœdème se déclare plus tard, à l’adolescence. Ça doit être plus difficile à vivre. Je fais le parallèle avec les personnes qui naissent sourdes. Naître avec ce handicap ou le devenir plus tard n’est certainement pas la même chose ! Il y a un avant et un après. En ce qui me concerne, mon traitement ne change pas grand-chose à ma vie. Je porte deux bas en superposition. Un grand bas qui monte jusqu’en haut de ma cuisse et un mi-bas jusqu’au genou. Je les porte tout le temps et la nuit je porte le Mobidern, c’est ma botte de nuit. A côté de ça, je ne vois pas de kiné parce que je trouve qu’ils ne connaissent pas le lymphœdème. Ils ne m’aident pas. Si j’ai besoin d’un massage, je le fais mieux moi-même, conclut la jeune fille.
Le message d’Anna
Avoir un lymphœdème ne nous rend pas plus différent que quelqu’un qui aurait une tâche de naissance. C’est une particularité qui fait de nous une personne unique comme tout le monde à ses caractéristiques. C’est une différence, pas un frein. Je l’ai toujours envisagé comme ça depuis que je suis toute petite.
Le message de son papa
"L’ambiance était excellente se remémore Olivier, le papa d’Anna. Ce camp était très bien organisé et bien encadré. Il m’a permis de rencontrer des familles qui avaient la même préoccupation que nous et cela m’a fait du bien. Partager des difficultés rencontrées au quotidien avec d’autres adultes est d’un grand réconfort. Je me rappelle du tournage du documentaire qui nous a à tous donné un but concret. C’était bien, très motivant."
Ma jambe, elle est comme ça. Je suis ainsi depuis toute petite, le regard que je porte sur moi n’a pas changé au fil du temps.
Entretien réalisé par Laurence Delaporte