Il y a dix ans, ils participaient au camp des enfants organisé par le Centre de référence constitutif des maladies vasculaires rares de Montpellier et l’Association Mieux Vivre le Lymphœdème. Anna comme Léo, Marin, Guillaume, Théo et Ludivine partagent leurs souvenirs. Retour d’expériences.
Ludivine a 23 ans, elle habite à Angers. Son lymphoedème s’est déclaré à l’âge de 8 ans sur la jambe et le pied gauches. En fin de 3ème année de licence en littérature, elle envisage de préparer un master l’année prochaine. C’est le papa d’Anna qui l’a accompagnée lors du camp en 2012. Sa petite sœur Emeline a 18 ans et ses parents sont Virginie et Serge.
Mon lymphœdème s’est déclaré soudainement lorsque j’avais 8 ans. Cela a été très dur. Avant, il n’y avait pas le regard des gens. Avant, je pouvais faire tous les sports que je voulais. Avant, je pouvais mettre tous les vêtements qui me faisaient plaisir, je ne m’en préoccupais pas. Avant, je ne me posais pas de questions. Aujourd’hui, ça va mieux mais la phase d’acceptation a été longue et difficile. Parce que j’étais jeune mais assez âgée pour réaliser les choses. J’ai ensuite traversé de nombreuses phases de colère qui se sont répercutées sur ma famille. Les gens font parfois des remarques qui blessent. On me disait « Calme toi », sauf que c’est très dur à gérer dans sa tête. Je sais que mes parents ont fait de leur mieux. Mais dans la réalité, on se bat tout seul et ce combat que nous livrons, c’est contre nous-même.
Ce qui m’a aidé à aller mieux, à accepter mon lymphœdème c’est lorsque j’ai rencontré d’autres personnes atteintes de la même maladie et c’était pendant les camps. Là aussi il y a eu un avant et un après. Ces rencontres ont déclenché une remise en question. J’ai réalisé que je n’étais pas toute seule et qu’on pouvait être suivi correctement par les kinés (à Montpellier, elles sont géniales). D’avoir de bons kinés qui nous accompagnent, qui nous accueillent, nous et nos parents, change tout. Lors du (des) camp(s), mes parents ont appris à trouver les bons mots, à formuler les choses moins maladroitement. On a même partagé des séances avec des psychologues, entre parents et enfants. Ça nous a aidé à mieux vivre…
" Je fais super attention à ma jambe, mais je ne me prive pas "
Avec le temps, on apprend à se connaitre avec ce nouveau corps que la maladie déforme. J’ai appris à prendre sur moi, c’est une question d’apprentissage. Ce n’est pas commun de vivre avec sa maladie, ce n’est pas facile, mais ça se fait. Aujourd’hui, j’ai encore du mal à m’habiller. J’aimerais porter autre chose que des baskets. Me mettre en jupe. Malgré ces contraintes, je l’ai accepté, ma maladie. Ce qui me fait du bien aussi c’est que je suis suivie par une super équipe, à côté de chez moi et par le Centre de référence de Montpellier. J’avais à peine 11 ans lorsque je suis arrivée dans le service de kinés et d’un médecin de Cholet. J’était petite, la plus jeune. Ils se sont formés en même temps que moi en suivant les formations proposées par le Centre de référence de Montpellier. Ils savaient déjà faire des massages lymphatiques mais ils ont appris la technique enseignée à Montpellier, comment suivre un lymphœdème primaire, à faire les bandages correctement, se renseigner lorsqu’il y a un souci… Ils sont au top et je les conseille à toutes celles et ceux qui vivent près de Cholet ! Maintenant, je peux dire que mon lymphoedème, j’y fais super attention, mais je ne me prive pas, je m’écoute. Je fais ce que je pense pouvoir faire, de l’escalade par exemple. Je ne vois pas pourquoi je ne le ferai pas, conclut la jeune fille.
Le message de Ludivine
« Laissez le temps faire son œuvre. On n’est pas obligés de tout accepter dès le début. On a le droit de pleurer même si les gens nous disent d’arrêter, ce n’est pas grave, on a le droit d’exprimer son chagrin. Il faut se laisser le temps d’accepter les choses, de les incorporer, d’apprendre à vivre à son rythme avec sans se mettre de pression. Petit à petit on apprend à se faire confiance, on arrive à gérer et ensuite, ça va tout seul. On a tous eu un moment où on se disait « mais ce n’est pas possible, comment je vais vivre avec ça, c’est dur… ». Finalement, avec le temps, tout se débloque. Jour après jour, petit à petit, on apprend à vivre avec, on « l’apprivoise ».
Ce qui a été très important pour moi cette semaine-là c’est de voir les médecins en dehors de l’hôpital. Ma relation “patient-médecin” n’a plus jamais été la même.
Entretien réalisé par Laurence Delaporte