Il y a dix ans, ils participaient au camp des enfants organisé par le Centre de référence constitutif des maladies vasculaires rares de Montpellier et l’Association Mieux Vivre le Lymphœdème. Anna comme Léo, Marin, Guillaume, Théo et Ludivine partagent leurs souvenirs. Retour d’expériences.
Théo a 22 ans. Il a un lymphœdème à la jambe gauche, le mollet et un peu le dessus du pied. Ses parents s’appellent Bruno et Laurence, son frère Enzo a 20 ans. Il travaille dans une concession automobile et vit en couple depuis quatre ans. Son projet ? Créer son entreprise pour gérer son lymphœdème sans dépendre des autres. Rencontre avec une jeune homme courageux.
C’est ma maman qui m’a accompagné au camp en 2012. J’avais 12 ans. Je m’en souviens comme si c’était hier. C’est là que j’ai compris que je n’étais pas seul. Rien que ça, c’est le plus important quand on a une maladie rare. Car quand on est jeune, on se dit ‘mais pourquoi ça nous tombe dessus’ ? A 12 ans, on nous dit que ça arrive une fois sur 100 000 et par hasard, comme ça, ça tombe sur nous. On réalise ce qu’est une maladie rare, on sait compter et on sait que ce n’est pas juste. Ces camps permettent de relativiser. On réalise que d’autres vivent la même chose, c’est plus facile du coup à encaisser. Aujourd’hui, je vis sur la commune d’Ambazac, près de Limoge, avec mon amie. Ça se passe bien, le lymphœdème n’est pas gênant dans le couple. Au début, l’idée de vivre avec quelqu’un me faisait peur. Quand on est jeune, on se pose beaucoup de questions, mais finalement ça se passe bien.
Ma famille est très présente mais j’évite de les solliciter pour qu’elle n’ait pas à subir ma maladie. Moins j’en parle, mieux je me porte. Mais parfois c’est très dur et je craque. Ces dernières années, mon lymphœdème s’est aggravé et ce n’est pas facile. Je n’ai même pas le temps d’aller chez le kiné. De toute façon, pour obtenir des résultats, il faudrait y aller au moins deux fois par semaine. Personnellement je préfère autant faire un bandage bien fort, le soir, quand je rentre, aller me coucher, dormir avec et l’enlever le lendemain au réveil. Je fais ça pendant une semaine, c’est plus efficace j’ai envie de dire et surtout cela me demande moins de temps que les drainages.
" Devoir compter sur les autres pour finir mon travail, ça me gêne. Ce n’est pas facile, mais je fais avec."
Un jour, j’aimerais créer ma propre entreprise. En ce moment, je travaille tard le soir sur ce projet car il me tient à cœur. Je suis technicien automobile dans une concession Alpha Roméo Jeep. Mon lymphœdème en lui-même n’est pas gênant, ce sont les écoulements de lymphe qui le sont. Parce que lorsque j’ai des écoulements, je dois abandonner mon poste pour me soigner, aller voir le médecin ou rentrer chez moi. J’aime faire les choses jusqu’au bout et j’ai du mal à les laisser en plan aux collègues. En étant mon propre patron, ce sera plus facile de m’organiser, d’adapter mon travail à mon lymphœdème. En attendant, cela représente beaucoup de travail. J’y passe tout mon temps libre à ce projet. J’espère commencer d’ici quelques années. D’ici là, cela me laisse du temps pour continuer à apprendre !
Le message de Théo
Avoir un lymphœdème ne nous empêche pas de nous amuser, ça ne nous empêche pas de vivre ni d’avoir d’amoureux(se). Bien sûr, ça ferme la porte à certains métiers, à quelques sports mais on peut presque tout faire. J’aurais par exemple aimé travailler dans l’aviation. C’était mon rêve. En revanche, avoir un lymphœdème ne limite pas tant que ça au niveau des activités. Ma jambe ne m’empêche pas de faire de la moto cross et sur route.
Le message de Laurence, sa maman
Ce camp reste gravé en nous. Ce fut des moments très forts et poignants. Les enfants ont pu tisser des liens et se sentir beaucoup moins seuls. Et lors de la réalisation du film, ils ont partagé de supers moments. Je me souviens encore des larmes versées par les parents et les professionnels lorsque le film a été projeté. Personnellement, ces rencontres me manquent. Quant à Théo, je pense qu’il s'est senti moins complexé par la suite. Il est épanoui et arrive à parler de son problème à son entourage professionnel. Et quand il traverse des moments compliqués, il arrive à gérer.
Ce n’est pas une question de volonté. Je pense juste qu’on n’a pas le choix.
Entretien réalisé par Laurence Delaporte