Directrice de recherche Inserm à l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC) à Toulouse, Barbara Garmy-Susini travaille sur le projet Theralymph, qui vise à développer une thérapie génique du lymphœdème, maladie du système vasculaire lymphatique. L’essai clinique concernera douze patientes ayant développé un lymphoedème après cancer du sein dès 2023. Rencontre.
En quoi consiste le projet Theralymph ?
Theralymph cible les lymphœdèmes secondaires, lesquels ne présentent pas de gènes défectueux (contrairement aux lymphœdèmes primaires). Plus spécifiquement, le projet vise à traiter le lymphoedème secondaire chez les patientes ayant eu un cancer du sein - cette population étant très représentée.
Mais remontons à l’origine. Un appel d’offre européen proposait en 2018 de financer un essai clinique et des phases précliniques sur une maladie touchant des millions de personnes, visant à réparer une fonction perdue en utilisant des thérapies géniques ou cellulaires. Mon laboratoire, qui travaillait déjà sur le lymphoedème, est spécialisé dans ce type de problématique. J’ai répondu à l’appel d’offres en avril 2019. Nous avons été retenus et avons été financés en janvier 2020.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) nous a demandé de cibler une population de patients qu’on pourrait soigner lors d’essais cliniques de phase 1 et 2. Cette condition sous-tend le choix qui a été fait : l’essai clinique concernera les patientes ayant développé un lymphoedème après avoir eu un cancer du sein.
Concrètement, quelles avancées majeures cela représente-t-il pour les patientes concernées ?
Notre étude porte sur la caractérisation des lymphœdèmes secondaires. Nous devons par exemple déterminer si le tissu adipeux est la cause ou la conséquence du lymphoedème. Notre objectif final est de réparer les vaisseaux lymphatiques. Pour cela, il nous faut réduire l’inflammation et normaliser les lipides (le gras) qui s’accumule, c’est-à-dire réduire l’accumulation de graisse.
Nous avons donc mis au point une multithérapie ciblant une thérapie génique basée sur deux ARN distincts. L’un codera pour un facteur de croissance des vaisseaux lymphatiques, l’autre permettra de réduire l’accumulation de tissu adipeux. Ce sont ces deux vecteurs ARN que l’on injectera dans le membre atteint des douze patientes qui participeront. Plusieurs injections leur seront faites pendant trois mois. Elles seront ensuite suivies pendant un an.
Quelles sont les étapes de calendrier ?
Pour ce projet, j’ai réuni un consortium de six pays européens. Aujourd’hui, chacun a une tâche spécifique : un labo travaille sur les facteurs de risques du lymphoedème pouvant prédire qui va en développer ou pas, une équipe s’intéresse à la fibrose, un autre à l’inflammation, un autre aux tissus adipeux etc. Les résultats, mis en commun, permettront d’entrer dans une phase de tests de molécules.
Depuis un an et demi, on teste des cibles moléculaires in vitro, sur les cellules d’abord puis sur des souris. La recherche porte également sur des associations de médicaments. Aujourd’hui, on poursuit nos tests (escalades de doses, tests des voies d’injection en intra lymphatique ou dans le derme…), qui se termineront en janvier 2022.
En février 2022, on déposera notre dossier à l’ANSN, avec six mois incompressibles, pour pouvoir produire le lot clinique. Dernière étape, proposer des injections aux patientes concernées. La première phase d’évaluation du traitement chez les malades est prévue en 2023. Le calendrier est donc bouclé avec un espoir pour les patientes, les médecins vasculaires et les chirurgiens spécialistes du cancer du sein.
Barbara Garmy-Susini est directrice de recherche Inserm à l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC) à Toulouse. Elle a créé le premier laboratoire Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) entièrement dédié à l’étude du système lymphatique et des maladies engendrées par le système lymphatique.
Son laboratoire est composé de 24 personnes : 4 chercheurs statutaires, 3 chercheurs contractuels, 3 ingénieurs, 8 étudiants (du BTS au doctorat) et 6 cliniciens, des médecins du service de médecine vasculaire de l’hôpital Rangueil Toulouse, du service Chirurgie vasculaire ainsi que des radiologues.
Propos recueillis par Laurence Toulet Delaporte