Famille RIHN
    Portrait de famille avec Aurélie, Noa, David et Ellie

    David et Aurélie ont deux enfants : Noa est l’aîné, il va sur ses 14 ans, et leur fille Ellie a 10 ans. Tous les deux sont atteints d’un lymphœdème congénital primaire inférieur bilatéral et sont suivis à l’hôpital de Cognacq-Jay à Paris par l’équipe du docteur Stéphane Vignes. Le couple n’a pas de lymphœdème et il n’y a pas de cas avéré dans la famille proche.

    « On a transformé les soins en rituels »

    Aurélie RIHN

    Dès la grossesse, on a compris qu’il y avait un problème, raconte Aurélie. Lorsqu’on a fait les tests de mesure de clarté nucale, il y avait une notion de nuque épaisse. On a dû faire des examens complémentaires à cause du risque de trisomie, déclaré élevé. Le test est revenu négatif. Parallèlement, j’ai fait une échographie morphologique au CHU de Besançon où un médecin spécialiste nous a pris en charge. Là aussi, le résultat était normal. Mais le jour de la naissance, Noa est né avec deux gros pieds bien potelés et à gauche l’œdème remontait jusque sous le genou. Surprise pour tout le monde. Au départ, les médecins ont suspecté un problème cardiaque ou rénal. Tous les examens qui s’en suivent ont été faits, sans succès. Les médecins nous ont expliqué “qu’il n’y avait pas de danger pour Noa, que le cœur et les reins allaient bien, que l’œdème était peut-être dû à une mauvaise position dans le ventre. Qu’il allait sûrement se résorber…“ L’œdème ne s’est pas résorbé.

    « A force de recherches, j’ai trouvé où emmener Noa »

    Je suis infirmière et je connais le lymphœdème secondaire. Au moment de la naissance de Noé, je n’ai pas associé cette maladie à Noa. Pendant deux années, on a vu notre pédiatre, des généticiens, des tests ont été faits, des analyses… tout revenait négatif. Et pendant ce temps-là, Noa n’avait pas de traitement. J’ai commencé à faire des recherches en me disant que non, ce n’était pas "rien" comme disait la pédiatre. Je voyais bien que ça ressemblait à un lymphœdème avec prise du godet. Sur internet, le terme de lymphœdème primaire revenait souvent. En creusant, je suis tombée sur Cognacq-Jay (Paris) et le docteur Stéphane Vignes, qui dirige l’unité de Lymphologie du Centre de référence des lymphœdèmes primaires. J’ai téléphoné et pris rendez-vous avec lui. Il y a treize ans, c’était difficile de trouver des informations sur internet. Aujourd’hui, plus d’informations circulent par le biais des associations de patients et des médecins qui communiquent davantage sur le sujet. Heureusement, si le parcours était semé de questionnements et d’interrogations, il n’était pas douloureux car on voyait que Noa allait bien, qu’il grandissait bien.

    On ne déroge pas aux soins quotidiens devenus de vrais rituels.

    Elie RIHN

    Ma fille a dix ans. Lors de la grossesse, rien n’est apparu et les médecins se voulaient rassurants “un deuxième enfant avec un lymphœdème alors que ni vous ni le père n’en avez un est extrêmement rare. Ne vous inquiétez pas.“ Mais notre instinct, à David et moi, nous disait tout le contraire. Tant et si bien que le jour J nous sommes arrivés à la maternité avec des bandages pour nouveau-né ! Et de fait, ça n’a pas loupé : Ellie est née avec un lymphœdème discret mais bien là, sur les deux pieds. Dès la sortie de la maternité, on a pris rendez-vous avec le docteur Vignes pour son frère et elle. Elle a été prise en charge tout de suite.

    Normalement, pour les nouveau-nés, il n’y a pas de contentions, seulement aux premiers pas. Mais mon mari et moi, on a tout de suite commencé à en faire, des très légères car les bébés ont des tissus mous et fragiles. On faisait très attention pour ne pas la blesser. Et comme nous étions devenus de vrais professionnels avec Noa (sourire d’Aurélie), on lui a aussi prodigué des drainages lymphatiques tout doux. Car une fois que tout s’est mis en place pour notre fils, on a fait tout ce qu’il y avait à faire pour lui : des contentions de façon systématique tous les soirs et on a appris avec une kiné à faire des drainages lymphatiques pour être autonomes à la maison. On avait une routine : le soir, on lui faisait un massage, plus ou moins long, avec des produits hydratants. Aujourd’hui, c’est devenu un rituel auquel on ne déroge pas. Et une fois par semaine, devant un feuilleton ou un film, on prend le temps de faire un drainage lymphatique et de masser les ganglions. C’est très efficace. Car lors des deux années de non-prise en charge de Noa, sa lymphe s’est durcie. Ça créait du tissu sous sa peau et Noa avait les pieds très très épais. On avait un mal fou à le chausser ! Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui.

    Les petits pieds potelés d'Ellie...

    Le lymphœdème d’Ellie est moins gros que celui de son frère. Elle a de petits pieds bien potelés, mais ça ne remonte pas sur le mollet comme son frère. Lorsqu’elle enlève ses chaussettes pour mettre les bandes, elle est très contente de ses pieds qu’elle trouve tout plats et tout beaux (rire de la maman). Elle réalise quand ses pieds vont bien : elle est très satisfaite de voir que ses bandages et ses chaussettes ont été efficaces. Elle est contente lorsqu’elle arrive à mettre ses petites sandales ouvertes ou ses ballerines. Elle n’a aucun complexe à aller à l’école avec ses chaussettes de contention en petite jupe ou en short.

    Une régularité importante pour éviter que la lymphe ne stagne

    Le docteur Vignes nous avait dit qu’au fil des années, avec les compressions, les bandages et les massages, ses pieds s’affineraient. Et au final c’est bien ce qui s’est passé. La régularité des soins est efficace. Il a toujours les pieds très épais mais il se chausse comme il a envie. Tant qu’on s’occupe de la lymphe tous les jours, elle stagne moins. Car la lymphe ne peut pas faire le job toute seule dans le cas d’un lymphœdème. Et si on ne fait rien, ça empire. La régularité est très importante. On en a fait des rituels. Et on fait pareil avec Ellie. C’est comme se laver les dents. Le soir, on prend la douche, on met les bandes et on se lave les dents. Et les massages du soir, ce sont comme des papouilles. Des massages qui font juste du bien.

    “Mais pourquoi tu m’as fait comme ça ?“

    Pour Noé, c’est une autre histoire et l’acceptation n’est pas toujours simple. A son âge, le regard des autres est plus compliqué à supporter même s’il le gère plutôt bien. A côté de ça, leur père et moi, on leur demande d’être autonomes sur les bandages un certain nombre de fois par semaine. Mais très souvent encore je m’occupe d’eux car je veux m’assurer que tout va bien. C’est une manière de garder le contrôle sur leur maladie. Notre règle est de continuer à être systématiques. On entend les “J’en ai marre. Mais pourquoi je suis obligé(e) de mettre des bandes. Mais pourquoi tu m’as fait comme ça. Et toi, tu n’en as pas d’œdème…“ On leur explique que c’est comme ça, que leur maladie ne les empêche de rien. On ne minimise pas que, oui, ce soit embêtant, oui on comprend que ce soit contraignant, mais oui vous pouvez faire les sports que vous aimez, non ça ne vous rend pas moins beaux, ni moins intelligents, ni moins marrant que les autres. Et nous rajoutons une couche en insistant sur le fait qu’ils peuvent tout faire dans leur vie, et que s’ils veulent continuer ainsi alors ces soins-là doivent être faits tous les jours. Ils doivent continuer à prendre soin d’eux. Tout le temps. Cela dit, on a appris à se modérer, à être tolérants. Car à être trop exigeant, on produit l’effet inverse. Et on entend qu’il faut lâcher du lest. Lorsqu’il y a une soirée chez les copains, une sortie particulière, qu’il fait trop chaud, ok, pas de bandage. On sait négocier mais c’est l’exception. Et les jours où ils les portent moins, on rattrape le soir : on masse davantage, les soirs on favorise la douche fraiche sur les jambes, on accentue les drainages lymphatiques. On compense. On en fait surement trop, parce que, voilà, on a nos inquiétudes de parents, on veut que ça se passe au mieux, on ne veut surtout pas que le lymphœdème s’aggrave, conclut Aurélie.

    A suivre la rencontre avec Julien Charreire et son fils Baptiste...

    Entretien réalisé par Laurence Delaporte - Décembre 2023

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    Kinésithérapeute, Hélène Pourquier-Margaill est correspondante en Éducation thérapeutique du Pôle Femme-Mère-Enfant au CHU de Montpellier et enseignante à l’Institut de formation en masso-kinésithérapie (IFMK) de Montpellier
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