+ Famille de Sonia

    « On n’a rien lâché »

    Céline et Eric vivent à Lyon avec leurs trois enfants. Mathis est l’ainé, il a 20 ans, Yoan est âgé de 18 ans et Sonia, la dernière de la fratrie, a 14 ans. C’est à la puberté qu’un lymphœdème primaire est apparu sur sa jambe gauche. C’était il y a dix-huit mois. La famille n’avait jamais entendu parler de cette pathologie avant.

    Un bon diagnostic c’est la base !

    Le pied de Sonia a gonflé de manière soudaine et mystérieuse en juin 2022, raconte Céline. Mais elle ne souffrait pas. On a cru qu’elle s’était fait une entorse ou tordu le pied. Au même moment, elle préparait un spectacle à l’opéra où elle fait de la musique et du chant dans un chœur. Et lorsque son pied a gonflé, elle a eu peur que ça pose un problème pour son spectacle. Alors on a consulté sans attendre. On est allé voir un médecin qui a fait faire une IRM, puis un kiné. Notre médecin généraliste nous a envoyé chez une angiologue qui a fait une échographie abdominale et un doppler. Elle a mentionné le terme de lymphœdème en nous disant qu’il n’y avait rien à faire sauf, peut-être, une scintigraphie pour le confirmer, mais que rien n’était urgent… C’était la veille de nos vacances. Mais impossible de ne pas penser à ce qui arrivait à notre fille ! On ne pouvait pas « ne rien faire » justement. C’est le papa d’une amie, pédiatre à la retraite, qui dit toujours “un bon diagnostic c’est la base !“. C’est lui qui nous a vivement conseillé d’aller voir de sa part la rhumatologue Agnès Duquesnes à l’hôpital Femme-Mère-Enfant à Lyon. Trois mois plus tard, fin octobre, on a rencontré cette spécialiste. Elle a confirmé le diagnostic et a fait faire à Sonia une scintigraphie. Elle nous a ensuite orienté vers le docteur Stéphane Vignes à l’hôpital Cognacq-Jay à Paris. En janvier de l’année suivante, on le rencontrait.

    « C’est allé vite : le lymphœdème est passé du pied à toute la jambe en quelques mois »

    En attendant le rendez-vous à Cognacq-Jay, Céline a cessé de travailler quelques semaines. « J’étais trop secouée par ce qui arrivait à notre fille, explique-t-elle. Je me suis démenée. J’ai emmené Sonia chez une kiné pour qu’elle fasse de la balnéothérapie. Elle nous a initié au drainage lymphatique pour que nous soyons autonomes à la maison. J’ai découvert l’association de patients Lymphœdème Rhône-Alpes présidée par Nicole Robert. C’est lors d’un atelier organisé par l’association que nous avons appris à gérer les contentions et les bandages compressifs. En attendant de rencontrer le docteur Vignes, on en a fait tous les jours. On n’a rien lâché. Car en quelques mois, alors qu’au début ce n’était que le pied, le lymphœdème s’est propagé, il était visible jusqu’à l’aine. Elle n’arrivait plus à bouger la cheville et sa jambe avait durci. Alors, lorsque le moment de monter à Paris est arrivé, nous étions plus que soulagés. Lors de cette première visite, Stéphane Vignes a pris le temps de tout nous expliquer en détail pendant plus d’une heure. Il s’est adressé à Sonia de manière très rassurante : “Sonia, dans ton cas, ça va vite. Il faut agir et tout de suite. Ce n’est pas un petit lymphœdème, on n’attend pas. Tu vas commencer par venir passer quinze jours à l’hôpital pour suivre un traitement intensif. Et puis tu vas participer au séjour thérapeutique que la fondation Cognacq-Jay organise cet été dans le Sud de la France.“

    + Sonia
    + Sonia et la kiné

    Moment kiné à ne pas négliger

    Sport, kiné, chant, musique :
    Sonia a trouvé un vrai équilibre

    Tout s’est accéléré. Fin avril, Sonia est hospitalisée. Elle voit la kiné tous les jours, participe aux ateliers d’éducation thérapeutique, fait du sport adapté, de la relaxation sous forme de sophrologie et puis bandage bandage bandage. Avec mon mari, on s’était relayés, explique Céline. On est resté une semaine chacun avec notre fille. On a arrêté tout le reste pour être avec elle. Toutes les deux, on en a profité pour se retrouver autrement. A l’hôpital, il y avait un piano et tous les jours on allait jouer à quatre mains. A vrai dire, cette expérience était unique. Sans compter qu’au bout de quinze jours, sa jambe s’était considérablement assouplie et avait réduit de volume ! Aujourd’hui, notre fille va bien. Elle est en 3e. Au collège et à la maîtrise, les équipes pédagogiques ont adapté son emploi du temps pour qu’elle puisse venir plus tard deux matins par semaine pour qu’elle porte son bandage plus longtemps - du samedi après-midi jusqu’au lundi matin. Deux fois par semaine, elle voit Camille, sa kiné, très douce, qui connait la maladie du lymphœdème et est formée pour les soins. Les séances ont lieu une fois en balnéo et une fois en salle de sport. A côté de ça, Sonia porte deux contentions classe 3 superposées tous les jours et un bandage compressif toutes les deux nuits. Notre fille s’est aussi inscrite à la natation et lorsqu’elle sort de la piscine, elle trouve que sa jambe va mieux. C’est positif !

    « Mon mari et moi, nous veillons sur elle »

    Notre famille a réalisé que Sonia aurait ce lymphœdème toute sa vie. C’est difficile de l’accepter. Mon mari et moi, on veille sur elle tout le temps. On est là, on fait des bandages, car c’est compliqué de le faire seule même si elle a appris. Les orteils ça va, les mollets ça va, mais elle ne peut plus plier sa jambe dès la première couche. Ça m’angoisse. Parfois je me projette sur son départ du nid familial et je me demande comment elle fera lorsqu’elle sera seule. J’essaye de ne pas trop y penser. Pour le moment, on fait tout ce qui peut lui simplifier la vie. Car ses difficultés au quotidien sont nombreuses : l’auto-bandage est contraignant, ses bandages la piquent et lui pèsent, les étiquettes à l’intérieur des bas la gênent, il faut laver et rouler les bandes etc. S’habiller, se chausser, c’est galère. Alors, oui, il y a quantité de contraintes, cela nécessite des aménagements et de l’énergie, mais ça rentre dans notre routine. Ça vaut le coup. Car elle est heureuse. Elle a la banane. Elle fait des spectacles, de la natation, elle assure au collège et elle s’occupe de son lymphoedème du mieux qu’elle peut. On n’arrive pas à oublier, mais aujourd’hui on a tous retrouvé un équilibre perdu. Si je pouvais, j’en ferai encore plus, conclut sa maman.

    " Ta maladie n’est pas grave "

    Lorsque son pied a gonflé, Sonia ne disait pas grand-chose même si c’était difficile de ne pas comprendre ce qui lui arrivait. Quasi simultanément, son frère Yoan est tombé malade. Il a une maladie chronique et a été hospitalisé plusieurs fois. A ce moment-là, Sonia a relativisé. Et lorsqu’elle a rencontré le docteur Vignes et qu’elle s’est entendu dire que ce qu’elle avait “n’était pas grave mais qu’il fallait qu’elle s’en occupe“ elle a commencé à souffler. Lors de son hospitalisation, elle a réalisé que sa jambe s’assouplissait. Et là, pour la première fois depuis des mois, elle s’est sentie soulagée. Et puis il y a eu le séjour thérapeutique organisé à Giens, dans le Var. Elle a passé une semaine formidable avec l'équipe et les autres enfants dans un cadre incroyable. Elle a fait beaucoup de sport. Et puis elle a rencontré d'autres enfants, d’autres adolescents souffrant comme elle. Ça a changé son regard.

    + Sonia et Yoan

    Sonia et Yoan

    « Aider les associations de patients a du sens »

    J’ai rejoint le conseil d’administration de l’Association Lymphoedème Rhône-Alpes parce que je veux aider l’association dans ses démarches. Je trouve que cette pathologie est dure. Elle est contraignante et si peu connue ! Et c’est une double peine pour les patients qui ont eu un cancer et dans la foulée un lymphœdème ! Ces gens-là galèrent au quotidien, le diagnostic est trop long, ils sont mal remboursés. J’aimerais aider autant que l’association nous a guidés, nous, pour comprendre la pathologie et apprendre à faire les bandages. Ces cercles de partage et de parole sont précieux. Ils ont du sens. Heureusement qu’ils existent !

     

    Entretien réalisé par Laurence Delaporte - Janvier 2024

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