Martine, 72 ans, habite à Bordeaux. Dynamique et audacieuse, elle a tout essayé pour limiter l’évolution de son lymphœdème primaire déclaré à l’âge de 39 ans au pied droit. Rencontre avec une femme pleine de ressources qui nous livre ses astuces !
Le regard malicieux, Martine affiche un sourire, prête à affronter ses examens en médecine vasculaire à l’hôpital St Eloi du CHU de Montpellier. On ne dirait pas qu’elle a 70 ans passés. Et pourtant. Elle prend ici le temps de raconter son parcours d’aidante, pour sa mère, puis de patiente. A 39 ans, après une série d’entorses anodines, un œdème au pied droit apparait. « Mon pied était devenu énorme. Et l’œdème perdurait, explique-t-elle. Je ne faisais plus de sport, plus rien. Au tout début, personne n’a compris ce que c’était. Très vite mon médecin a fait le rapprochement avec le bras de ma mère, qui avait un lymphœdème depuis des années suite à l’opération d’un cancer. Depuis l’âge de 11 ans, je l’aidais “avec son gros bras et sa souffrance à gérer“. Il m’a dit “ce n’est pas les mêmes causes, mais le même effet“. J’ai compris d’un coup. J’avais déclaré un lymphœdème primaire au pied. J’ai tout de suite été vigilante, prête à tout pour m’en sortir. Et c’est en partie grâce à ma maman… »
Trouver tous les moyens possibles pour m’en sortir
Argile, huiles essentielles, ostéopathie, homéopathie, cure annuelle, vélo, gym quotidienne, marche dans l’eau, douche froide, pieds en l’air… Dès le début, Martine essaye tout en matière de médecine douce et d’activités physiques. Son objectif est de trouver des solutions à chacun des problèmes qu’elle rencontre. Et ça fonctionne. « Ça m’a sauvé mentalement et physiquement toutes ces années », explique Martine, qui ne sera prise en charge qu’à 72 ans à l’hôpital St Eloi par le professeur Quéré.
Pause bien méritée, les pieds en l'air
Jusque-là, elle avait réussi son pari : garder son lymphœdème à son plus bas niveau et rester en forme. « Je sais que c’est un chemin contraignant au quotidien, raconte-t-elle. Mais on peut trouver des moyens pour espérer et aller mieux. Un jour, une dermatologue m’a dit : “Madame, ce n’est rien, un escarpin d’un côté, un sabot de l’autre, on continue de marcher“. J’ai répondu : “Non, on ne marche plus, on se déplace, on se traine“. Un autre médecin m’a lâché : “Ecoutez madame, on ne peut pas vous opérer ni faire de microchirurgie parce que les risques infectieux sont énormes. La médecine en est au point zéro. Ces paroles ont été LE déclic. Elles étaient réalistes. Ce ne serait pas la médecine qui me sortirait de là. Moi qui ai toujours aimé courir, marcher, être dans l’action, j’étais à ce moment-là, quand j’ai vu ce médecin, tétanisée, rendue immobile par ce pied énorme. C’était insupportable ! Alors oui, je me suis bougée. J’ai tout essayé, tout fait, tout mis en place. Et ça m’a réussi, se confie-t-elle.
Ça a commencé simplement. Les drainages lymphatiques qui m’étaient prescrits n’avaient pas grand effet. Or, le problème avec un œdème, est que plus vous attendez pour vous en occuper, plus c’est difficile à résorber. Ce constat était sans appel. Alors, je me suis acheté un vélo de course et me suis inscrite dans un club de cyclotourisme. Le rythme était soutenu. Mais dès la deuxième séance, mon pied s’est dégonflé ! Ça m’a donné de l’espoir et beaucoup d’envie. Ni une ni deux, je me suis mise à faire de la gym au saut du lit : tapis de sol et exercices, pédalo sur le dos… J’ai commencé doucement. Tous les matins, je m’installais et au début je faisais 2/3 minutes.
Puis j’ai eu envie de faire d’autres mouvements, vus en salle de gym ou simplement des mouvements qui me faisaient du bien. J’ai rapidement atteint 20 minutes d’exercices quotidiens. Mais j’insiste, il ne faut pas se contraindre à faire 20 minutes dès le départ. L’idée est de trouver le mouvement qui va bien, qui apaise, qui étire… Cinq minutes. Puis naturellement, les mouvements s’enchainent. Le chrono tourne de plus en plus longtemps. Certains matins, je me sentais fatiguée. Le simple fait de m’allonger sur le tapis me faisait du bien. Je me sentais me régénérer même si je ne faisais que du pédalo - pour moi, c’est le minimum, la survie. Au bout de 10-15 minutes je me sentais mieux. Ce n’est pas grand-chose à mettre en place et les bienfaits sont si rapides, si réels que ça vaut la peine d’essayer, plaide Martine. J’aime remarquer chaque petit progrès réalisé. Ça m’encourage à continuer. Au début, le rythme est lent. Et progressivement, j’y suis arrivée ! Ça me faisait un bien fou. Je me sentais tellement en forme pour partir au travail !
Quand il fait trop chaud : je fais des bains de pieds, voire de demi-jambes, dans de l’eau fraiche avec une poignée de sel gris. Initialement, j’ajoutais des glaçons. La sensation de bien-être immédiate se transformait en mal-être les jours suivants.
Le conseil d'un ancien : le bain à l’eau du robinet peut resservir trois fois en le laissant à température ambiante (en plus, on économise l’eau). Le même bain me sert pendant 3 jours. C’est curieux comme le 2ème et le 3ème jour, je ressens tout autant une sensation de bien-être qui perdure…
Ce que je fais au quotidien me donne la PECHE !
Tout au long de ces années, en plus de ma séance de gym le matin, j’ai continué à faire du vélo. Beaucoup de vélo. Et mon compagnon a dû s’y mettre aussi, sourit-elle. Un jour, je l’ai fait monter sur une scelle et depuis que je suis à la retraite, on pédale, on pédale ! On fait du vélo itinérant depuis trente-deux ans. Chaque année, on part une quinzaine de jours. Faire le tour du quartier m’emballe moyennement. J’avoue, il me faut le petit objectif stimulant : le dépaysement, longer les bords de mer, nos cours d’eau… A chaque virée, je me sens renaitre, libre, en accord avec mon corps sur mon deux-roues. A côté de ça, j’ai mis en place quantité de petits rituels que j’alterne au fil des jours, au fil de mes capacités.
Sur les bords de La Meuse, en Wallonie, cet été.
Rinçage à l'eau froide sur mes jambes le matin (ça donne la pêche !). Je me mets les pieds en l’air tous les jours pendant plusieurs minutes surtout lorsqu’il fait chaud. Dès que je peux, je marche, rapidement, 20 minutes minimum, parfois une heure. Et en plus, dès que j’en ai l’occasion, c’est plus facile pour moi qui vis au bord de l’océan, je marche dans la mer, eau jusqu’au mollet. Ça me fait du bien partout, mon corps et mon esprit me remercient ! C’est ma deuxième cure, raconte Martine. Ces habitudes de vie, additionnées les unes aux autres, ont fait la différence, j’en suis certaine. Moralement mais aussi physiquement, on se sent mieux. J’ai 72 ans, j’ai la pêche et j’ai réussi à conserver mes jambes de jeune fille !
Comment ai-je rencontré le professeur Isabelle Quéré ?
Mon état s’améliorant progressivement je portais des bas de contention seulement l’hiver.
Mais il y a treize ans, à 58 ans, exposée à trop de chaleur en milieu professionnel, un deuxième œdème s’est déclaré à la cheville gauche, au serrage des bas de contention, et mon état général s’est détérioré. Depuis, je fais une cure annuelle de trois semaines, prescrite par mon médecin traitant, à Luz-Saint-Sauveur. Sur place, une super kiné parlait de Montpellier comme étant le centre de référence faisant de la recherche dans le domaine des lymphœdèmes. Jusqu’alors, entre les cures, mes bas de contention, portés hiver comme été, ma gym, le vélo et tout le reste, je me sentais suffisamment en forme pour ne pas être prise en charge. Et une année, je n’ai pas fait la cure. C’était il y a quatre ans. Et mon état s’est détérioré. Je suis aussitôt repartie à Luz-Saint-Sauveur et on m’a appris à l’infirmerie à me bander les orteils, à me mettre une botte Mobiderm la nuit, à rebander par-dessus. Depuis ce moment-là, je porte bandages et bottes toutes les nuits. Ce n’est pas très glamour mais j’en ai besoin. L’avantage est que je vie normalement le jour - sans bas de contention - même si j’évite les longues positions statiques debout et la chaleur.
C’est au mois d’octobre de cette année, qu’une boule est apparue dans mon cou. Là, j’ai décidé d’appeler le CHU de Montpellier. J’ai expliqué mon cas et on m’a redirigé vers la médecine vasculaire puis vers le professeur Isabelle Quéré. Je l’ai rencontrée pour la première fois en mars 2024. Mais jusque-là, j’avais réussi à gérer seule. Aujourd’hui, j’admets ne plus tout maîtriser. Mais je suis fière du chemin parcouru », avoue Martine qui m’annonce que dans une semaine, ils repartent pédaler.
Entretien réalisé par Laurence Delaporte - Juillet 2024